Compte rendu de l’intervention de M. Baligand, mardi 13 octobre 2015
Mr Baligand,professeur de design au pôle professionnel du lycée, est intervenu dans notre classe dans le cadre de
notre projet "paysage".
Après une brève présentation, Mr Baligand nous a demandé ce que ce mot de
« design » évoquait pour nous. Beaucoup l’ont rapproché aux notions
de « style » et d’«esthétique » ; Il a ensuite
apporté quelques précisions : le design, comme une mode, évolue et donne
lieu à une succession de formes nouvelles. C’est l’évolution du style, comme on
parle de style Louis XV, puis de style Louis XVI, ...
I.
Le design
Sur un diaporama, il nous a
projeté la définition de 1965 du dictionnaire. D’après elle, le design est une
« Esthétique industrielle appliquée à la recherche de formes nouvelles et
adaptées à leur fonction (objets utilitaires, meubles, habitat…) » Cette
définition renvoyait ensuite au stylisme. En tant qu’adjectif, un objet
design possède « un esthétisme moderne et fonctionnel ».
En fait, tout au long de cette
première partie, nous avons cherché à définir toutes les caractéristiques du
design.
Pour commencer, l’esthétique
d’une réalisation nous renseigne sur son époque, comme les voitures. Cet objet
« parle » lorsqu’on le regarde, et la fonction du designer est
justement de décrypter ce « message » du temps, comme un témoignage.
L’esthétique est donc un langage, et nous devrons nous y intéresser pour
notre réalisation puisqu’il nous faudra communiquer.
Mais alors, qu’est-ce qu’un
designer ?
Le designer est aussi un
artiste, comme un écrivain il va nous dire quelque chose par ce qu’il produit.
Chaque designer a donc son style particulier, un artiste crée avec ce qu’il
est. Son langage sera le design, et il ne sera pas interprété de la même façon
selon le "mode de pensée" de ses origines (une création d’un designer
japonais n’aura pas le même sens que celle d’un designer américain).
Notons aussi
la différence entre arts plastiques et arts appliqués : dans le domaine
des arts plastiques, un sculpteur ou un peintre par exemple, travaille, crée
puis expose, mais son œuvre est alors un moyen d’expression de lui. Cet artiste
crée pour lui, il nous montre ce qu’il y a en lui.
A l’opposé, dans les arts appliqués, le designer va créer
pour les autres, en prenant en compte leurs attentes, il cherche à allier l’art
et l’utilitaire.
Le domaine des arts appliqués,
c’est-à-dire du design, est environné d’une multitude d’autres domaines qui
interagissent avec lui. Parmi eux, on trouve l’esthétique bien sûr, la
technique, mais aussi l’Histoire, la philosophie, la politique (ici, la vie en
commun, le sens de la collectivité), la sociologie (analyse de la société) et
la prospective.
Mais
qu’est-ce que la prospective, au juste ?
En quelque sorte, la prospective
constitue une « histoire du futur », c’est l’anticipation du
lendemain. C’est un domaine qui impose d’imaginer, de prévoir.
De cela, on
déduit une définition encore un peu complétée du design : c’est le carrefour
de plusieurs disciplines permettant d’améliorer les conditions de vie, avec
autant de fonctions différentes à remplir.
Comme on l’a
déjà dit, le design n’est pas une notion arrêtée, sa forme peut varier au fil
du temps, c’est une perpétuelle migration.
Par conséquent, la modernité
n’est pas non plus un concept strictement fixe, c’est une vision contemporaine
appelée par définition à être un jour dépassée.
II.
Le signe
Avec M.
Baligand, nous nous sommes ensuite penchés sur les notions de signe et de
signalétique. Ensemble, nous avons finalement trouvé que le signe était
l’élément constitutif du langage. Or nous-mêmes nous émettons des signes :
notre voix, notre expression, notre posture…en sont autant qui renseignent les
autres sur nous. (M. Martin a alors évoqué le terme de physiognomonie :
il s’agissait d’une pseudoscience, très en vogue XIXème siècle, qui consistait à définir la
personnalité d’un individu à partir de l’étude de son visage.)
La
transmission d’un signe nécessite deux éléments : un émetteur et un
receveur. Le Code de la route, par exemple, est constitué d’une accumulation de
signes (comme les panneaux). Cet exemple relève du domaine politique : il
s’agit d’emprunter la route sans danger pour soi ni pour autrui.
On peut aussi choisir, comme René
Magritte, de montrer des signes non décryptés ; c’est le cas de son
tableau La Trahison des images (« Ceci n’est pas une
pipe »). A travers cette œuvre, il dit au spectateur :
« Méfiez-vous des apparences ». De fait, si c’est bel et bien une
pipe qui est représentée, on ne pourra pas la fumer car elle est peinte. Le
même signe prend alors plusieurs sens, avec différents niveaux de
compréhension.
Le signe représente un élément
de langage qui nous est commun, phénomène qui s’est encore répandu avec la
mondialisation, comme les panneaux "stop".
Nous avons aussi pu voir que la
société était constituée d’individus, mais que par la codification de ses
signes, elle contribuait aussi à constituer les individus.
De même, les artistes
transgressent souvent les codes établis par la société : par exemple,
Erwin Wurm, en 2004, avec sa "grosse" voiture (Fat Convertible).
III.
Signe et image
M. Baligand a ensuite projeté au
tableau une photographie célèbre de Robert Capa : « Plages de
Normandie », datant du 6 juin 1944. Il s’agit d’un travail d’auteur, c’est
un véritable moyen d’expression. Nous l’avons rapporté, dans son genre à une
autre image célèbre de guerre : « Vietnam Napalm Girl » (par
Nick Ut, le 8 juin 1972).
Nous avons ensuite étudié une
autre œuvre, plus hermétique au premier abord, mais que notre intervenant nous
a aidés à décrypter. Il s’agit du « Carré blanc sur fond blanc » de
Kasimir Malevitch. En effet, c’est la date à laquelle le tableau a été réalisé
qui nous donne la piste la plus importante : 1918. Au sortir de la Grande
Guerre, le monde apparaît vide, comme une page blanche. Visuellement, ce
tableau n’offre rien puisqu’il est entièrement blanc, mais c’est, beaucoup plus
que l’image, l’idée qu’il y a derrière qui compte. De la sorte, Malevitch ouvre
la porte à l’interprétation de l’objet.
IV.
L’image, entre unicité et multitude
Pour illustrer cette partie, M. Baligand a
choisi de très nombreux exemples. Pour n’en citer que quelques-uns, il nous a
montré un tableau d’Angelo Morbelli intitulé « Jour de fête à l’hospice
Trivulzio à Milan ». La lumière du soleil couchant qui éclaire la pièce
évoque le déclin de la vie (c’est un hospice de personnes âgées). Le peintre, à
travers son œuvre, fait passer un message dénonciateur. Il pointe la solitude
et l’abandon dans lesquels est plongé le personnage du centre et, à travers
lui, les pensionnaires de l’hospice. Ainsi, l’artiste ne s’intéresse pas à ceux
qui font la fête, mais plutôt à ceux qui ne la font pas ! Par contre,
c’est aux premiers qu’il s’adresse, en cherchant à culpabiliser les familles
qui délaissent leurs aïeux lors des fêtes.
Enfin, M.
Baligand nous a montré la signature de Morbelli, que celui-ci avait insérée sur
le côté d’un banc du tableau, comme s’il s’était agi d’un graffiti qui s’y
serait trouvé en vrai. Cela invite à penser que le peintre a voulu donner une
dimension encore plus réaliste à son œuvre, ou pénétrer lui-même dedans (sa
signature devenant un détail du décor).
Nous avons aussi pu étudier deux affiches publicitaires
pour la maison de vêtements Benetton, réalisées par le photographe Oliviero
Toscani. Il s’agit de « Newborn Baby » et « Barbedwire ».
Pour la première, on voit un nouveau-né non lavé, dont le
cordon n’a pas été coupé. Outre l’aspect potentiellement choquant de l’image,
on ne remarque pas de lien direct avec les vêtements. Pourtant, la nudité de
l’enfant nous fait penser qu’il faudra l’habiller.
Dans le cas de la deuxième
affiche, on voit simplement toute une collection de fils barbelés sur fond
blanc. Ici, le fait que les barbelés déchirent les vêtements explique le lien
avec Benetton. En revanche, un autre sens se cache derrière l’affiche, du fait
de sa date de réalisation : en 1995, l’ex-
Yougoslavie était plongée dans un conflit sanglant.
L’affiche nous dit alors : « Pendant que vous achetez vos vêtements,
voilà ce qu’il se passe non loin… ». Il s’agit donc, au travers d’une
publicité, d’une véritable dénonciation politique qui, par les codes, interroge
les consciences.
V.
La signalétique
Nous avons conclu cette rencontre par une réflexion sur la
réalisation de nos plaques signalétiques dans la ville d’Autun. Ensemble, nous
avons commencé de nous interroger sur les code(s), forme, couleur(s), les
moyens enfin que nous allions employer pour attirer l’attention du passant par
la signalétique. Chaque ville, d’après M. Baligand, possède une couleur qui lui
est propre ; de ce fait nous devrons en tenir compte afin d’y accorder
celle(s) de nos plaques, ou de les mettre en contraste. De même, le langage
dont nous nous servirons devra attirer les personnes à qui on le destine, afin
que nos informations soient jugées attrayantes par le lecteur.
Personnellement, j’ai trouvé cette intervention,
qui est indispensable à la bonne réalisation du projet de la classe Sciences et
Patrimoine, extrêmement intéressante et enrichissante. M. Baligand quant à lui,
a loué à plusieurs reprises le dynamisme des élèves et la pertinence de leurs
réponses, très fréquentes. Le plaisir de cette rencontre a été visiblement
partagé, et notre intervenant a déclaré que, enseignant aussi le design à des
étudiants, il aurait bien aimé que ceux-ci lui donnent uniquement de telles
réponses !
Sources images : 1) https://en.wikipedia.org/wiki/The_Treachery_of_Images
2) http://www.allposters.fr/-sp/Jour-de-fete-a-l-Hospice-Trivulzio-a-Milan-Affiches_i7249123_.htm
Très bel article Marguerite, comme d'habitude !
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